From La Tronche Vélo Sport

Tvs: Sur les Pavés, la Gloire !!

Jacques Goddet disait qu’il s’agit « de la dernière folie que le sport cycliste propose à ses officiants ». Je crois qu’aujourd’hui, il a de nouveaux partisans. Plus précisément, six gars du sud-est de la France (plus leur soutien technique)…car pour une fois, la sortie « club » avait été élargie. Au départ de l’aventure (et par chronologie de naissance) : Jean-Paul Senebier (mon Papa) venu tenir le rôle d’assistance vus les risques de l’épreuve (on y reviendra malheureusement) ; Philippe Bourgeois : un ami avec qui j’ai déjà participé à Paris-Roubaix et au Elfstedenriejwieltocht (NL) en 2004 et au Tour des Flandres en 2005 ; Laurent Senebier (mon frère) qui venait sur le parcours « de (s)a course préférée » ; Eddy Fourna : notre surpuissant président qui changeai ici singulièrement de registre ; Laurent Gras : qui après le Tour des Flandres 2005 continuai sa campagne de classiques pavées ; votre serviteur : toujours attiré par ce genre de parcours et enchanté de voir l’engouement de ses camarades ; et Bruno Barron : un ami de la région d’Aix, qui ne faisait pas dé vélo il y a 4 ans !?!
Ce désir de participer à « la Roubaix » s’était dessiné à l’automne dernier. Je n’étais plus monté sur un vélo depuis quelques jours (semaines ?.....mois ?) et mon envie de pédaler s’était envolée. Soudain, Bruno et les 2 Laurent étaient partants. Puis Eddy aussi, puis Philippe, un peu dans la même situation que moi. Je ne pouvais pas les laisser partir sans moi dans une si belle aventure (je me demande encore si ils ne l’ont pas fait exprès, de manière à ce que je ne range pas le vélo ??). Rendez-vous était donc pris pour ce Dimanche 11 Juin 2006.
Chacun a donc passé un hiver studieux à l’entraînement, des pavés plein la tête (ça fait mal…), alignant les kilomètres. Car pour tout vous dire, la distance de Paris-Roubaix n’est pas effrayante (260 kms). Le problème, c’est que n’importe quel « pro » avec qui vous discuterez vous dira que « la Roubaix », c’est comme faire 350 kms sur des routes normales !! Et là, ça commence à calmer. Il a donc fallu progressivement augmenter le volume des sorties mais également travailler la puissance. Car mouliner sur les pavés, c’est un peu comme se passer les burnes dans un laminoir : on aplati un peu plus à chaque passage. Le problème, c’est qu’il faut pouvoir faire cela a intervalles plus ou moins réguliers pendant les 160 derniers km. Les 100 premiers étant soi disant tout plats (merci Andy et Jacky). En fait de course plate, Paris-Roubaix présente 1250 mètres de dénivelé dont la majeure partie se fait dans les 97 premiers km, jusqu’à Troisville (début des pavés). Chacun s’est donc présenté à Compiègne avec un kilométrage entre 2500 et 5000 kms. Ce qui est une bonne moyenne.
Nous nous retrouvons donc à Compiègne vendredi soir pour les premiers (moi venant du nord de la Hollande, tout près du cercle polaire), soit Jean-Paul, Philippe, Bruno et Laurent S. Arrivée tardive (22h) pour eux après un retard à l’allumage dû à une bataille acharnée entre barres de toit, portes vélos et le Scénic de Laurent G.. Heureusement, nous sommes sauvés par un Courtepaille de très bonne facture avec une serveuse généreuse et représentant les valeurs de sa Société : Andouillette et Frites à volonté ! Après avoir invité Bruno et mon Frère à dormir et qu’il eurent décliné l’invitation sous la forme élégante « non merci, je suis végétarien », nous regagnons l’Hôtel Ibis et nous installons au bar.
Reclus dans une petite salle, nous chiquons quelques bières entre professionnels et commençons à faire la course. Commence alors un défilé de l’armada Italienne qui vient voir à peu près toutes les cinq minutes ce que nous faisons !! Avec mon frère, c’est clope sur clope (il paraît que cela fait monter l’hématocrite ! Ce n’est pas des conneries!) Et bières sur bières. Nos amis Italiens en restent interloqués : Ce sera le seul moment du week-end où ils se taisent ! Parce que pour le reste mes amis, bonjour les casses couilles ! Nonobstant leur gouaille, ils sont mal élevés, frimeur (il faut les voir sortir le matos sur les parkings d’hôtels), très peu respectueux des organisateurs et en plus, garés au milieu des pavés ce qui les rend peu aimables lorsque vous leur faites prendre un petit rhume ! Ils sont comme cela nos amis des régions Transalpines (de cheval ! – je sais c’est nul mais elle me fait toujours rire), ils rentrent à 45 km/h sur les secteurs et fondent le moteur après 300 mètres. Ici commence un slalom ou il faut éviter (dans l’ordre) : les trous dans les pavés, les traces de purin bien grasses, les crevaisons, les « demis tours » qui cherchent leurs bidons, voire avec porte bidon, voire avec inserts du cadre et visserie et donc les Italiens ! Mais le coup se prend rapidement. Du moins, il vaut mieux, ça va durer 46 bonnes et des bonnes brouettes !
Après une petite cuite et une courte nuit (merci Stuart !!), nous nous levons pour une vraie journée de veille : petit shopping, retrait des dossards (fermé !), repas au centre commercial, sieste, préparation des sandwichs, sieste, retrait des dossards (encore fermé !), préparation des vélos (qui consiste à attacher tout ce qui peut tomber (compteur, sacoche, pompe…), gonflage précis (de 6 à 7 bars suivant les bonshommes) , retrait des dossards enfin !!
Nous accueillons également Eddy et Laurent en provenance de Grenoble, finissons nos bricoles et rebelote au Courtepaille. Tout le monde reste de marbre aux avances de Miss Courtepaille au rang de laquelle nous avons échappé. Repas sérieux, arrosé de bière et de rouquin en quantité raisonnable et retour à l’hôtel. Commence alors pour mes camarades la nuit la plus longue : en effet, si je me paye le luxe de dormir seul, chacun y va de son sanglier. Pour mon frère, il s’agit de mon père, qui non content de ronfler comme un sonneur, demande à mon frère à chaque fois qu’il se réveille (environ toutes les heures) si il dort. Pour Bruno, il s’agit de Philippe qui, après avoir mis quinze secondes à s’endormir, persifle le reste du temps. At last but not least, Eddy a pris place au paddock auprès du plus célèbre de tous les sangliers, Laurent G., qui malgré moult démentis, reste une référence au niveau du ronflement.
A 4 heures, tout le monde au petit déj’. Ambiance détendue et collation légère au milieu d’un brouhaha Italien. Chargement des voitures et départ pour Cambronne (20’ de voiture).
Normalement, les départs sans lampe se font à partir de 6 heures, mais le temps étant exceptionnellement clair, ce dernier est avancé et après avoir une dernière fois gonflées les chaînes et graissés les pneus (et le fion aussi !!), nous partons à 5h32 pétantes. Même si il n’y a pas de drame, on sent tout le monde très calme et surtout très concentré.
La première partie du parcours se fait à travers de magnifiques forêts. Nous profitons des dernières fraîcheurs car la journée s’annonce bouillante et prenons un rythme de croisière. Au bout de quelques kilomètres, un groupe nous dépasse et nous prenons les roues. Le rythme s’accélère et la pente des bosses aussi. Au bout de 80 km, manquant un peu de rythme, je laisse filer le groupe et tout le monde m’attend, sauf Philippe qui s’est laissé glisser quelques bornes auparavant. En effet, une poignée d’Angevins qui menaient le groupe ont décidés de tout faire sauter avant les pavés. Nous les retrouvons « garés » dès le premier secteur. On ne rigole pas avec les pavés !! Nous nous arrêtons pour tamponner notre carte à Bohain en Vermandois et faisons un arrêt tranquille. Nous ne sommes plus qu’à 15 km des pavés mais tout le monde est détendu, sauf Laurent, qui sent que les jambes ne sont pas là.
Nous entrons dans Troisvilles et à la sortie, virons à gauche à travers champs. Les voies se rétrécissent, le revêtement se dégrade. Enfin, nous tournons à gauche et entamons le premier secteur. 2200 mètres de bonheur, séparés en deux parties par 15 mètres de bitume, le temps de traverser une nationale que Laurent n’a pas identifiée et qui manque de se faire shooter par une voiture. A la sortie, un rapide état des lieux mets tout le monde d’accord : ça secoue drôlement. 8 km plus tard, nous entrons dans le secteur de Viesly, puis nous enchaînons Quiévy et Saint-Python. Rien de bien nouveau sous les roues, mais une difficulté supplémentaire, les descentes, dont une bien pentue en fin de secteur qui vaut un tout droit à Bruno dans les hautes herbes. Chute sans gravité ni conséquence sur l’homme qui est remonté comme une pendule. Un petit ravito à Solesmes (lieu de « bâchage » très connu chez les pros, puisque c’est un ravito pour eux aussi), et nous continuons notre parcours, malheureusement sans Philippe, mais encore avec Laurent, dont les jambes ne sont pas au mieux. Il fait une chaleur étonnante pour le Nord et les dieux du vent nous sont souvent favorables.
Les kilomètres défilent et le km 160 approche : La Drève des Boules d’Hérin. Ce secteur stratégique et symbolique a été recommandé aux organisateurs dans le milieu des années 60 par Jean Stablinski, à une époque où le Paris-Roubaix se courrait quasiment uniquement sur le bitume (un rêve ?). Les organisateurs réintroduisaient tout les ans un peu de pavé et Stablinski, ancien excellent coureur (multiples champion de France et champion du Monde), connaissait bien la Forêt d’Arenberg pour avoir travaillé dans la veine de charbon qui se trouve dessous. Elle fût donc inscrite au parcours en 68 (de souvenir) et comble de bonheur, il pleuvait cette année là. Les coureurs arrivèrent à une trentaine et maudirent la Tranchée, si bien que Stab’ n’osa même pas se rendre au vélodrome : une légende était née.
Notre approche se fait sous le soleil, mais les discussions s’estompent dès lors que nous entamons l’approche et le contournement de la forêt. La tension est palpable : puis d’un coup, un virage à droite, un passage rétrécie dans les graviers (quel intérêt ?) et devant nous, le monument. Sa réputation est justifiée tant il faut rouler 100 m dessus pour se rendre compte. Le vélo saute, ça tape, la chaîne ondule. Nous choisissons de rester le plus souvent sur le haut du pavé, même si il est utile d’en descendre pour changer de vitesse. A 300 m de la sortie, Eddy crève (ce sera la seule crevaison de la journée, pas mal !). Petit arrêt et changement avec regonflage minimum puisque mon père, toujours très a propos, nous attend à la sortie de la Tranchée. Partage des impressions et des émotions. Chacun est ravi, voire soulagé, même si le parcours est encore long (100 km).
Laurent se détend dans l’herbe et nous recommande de partir sans lui, il va finir à sa main, car fatigué. Philippe pointe son nez un peu plus loin, mais il à grande habitude de gérer ce genre de parcours.
S’enchaînent ensuite en 20 bornes, 10 bornes de pavés : Wallers, Hornaing, Warlaing, Tilloy. Autant de secteurs difficiles mais que nous passons sans embûches.
Un petit ravito à Raismes, ou Eddy manque de « poser » un italien qui veut aller tamponner, ravitailler et pisser le vélo entre les jambes. Après une courtoise explication, ils décident de rester bons amis et chacun reprend son chemin.
Direction le Chemin des Prières et, en enfilade, le délicat Chemin des Abattoirs. Nous maintenons un rythme de croisière et sortons tous les quatre d’Auchy les Orchies (km 201) pour rejoindre Bersée par delà 3000 mètres de pavés. Je rentre sur le secteur derrière Eddy, et au bout de 300 m, « craaac », tige de selle pétée à mi-tube. Pas de chute, mais nous laissons partir Bruno à la poursuite d’Eddy pour le prévenir et en lui disant de ne pas nous attendre. En effet, mon frère reste avec moi pour réparer (il sait s’y entendre, le bougre !) et une longue attente commence. Mon père étant parti au prochain ravito, il doit faire demi tour et nous retrouver sur un chemin vicinal non indiqué sur la carte. Ne nous trouvant pas (merci le portable), nous repartons en danseuse (surtout moi, une inattention pouvant me coûter ma virilité) et après environ deux km, retrouvons le père pour un changement de tige de selle express (merci Nours). Le soleil nous a tapé sur la calebasse car nous somme resté 45 mn sans bouger par 35° à l’ombre, mais il n’y avait pas d’ombre.
Nous repartons tempo pour nous remettre dans le rythme et retrouvons une vitesse de croisière agréable. Nous enchaînons les secteurs et entrons au Moulin de Vertain (km 222) pour 570 mètre d’un pavé délicieux. Et là mes amis, je me sens partir à l’arrière dans un craquement re-connu ! Je mets un monstre coup de rein (vous savez, celui qui a fait plaisir plus d’une fois)-(pour gagner des courses !! , bande de gros déguelasses) et me retrouve avec la selle coincée entre les jambes. Vous ne rêvez pas, je viens de casser une seconde tige de selle : la seule chose qui me dérange est qu’elle a fait 20 km. Je dois abandonner mon frère à finir le parcours seul et j’enrage. Je manque de peu d’enrouler mon vélo autour d’un poteau EDF puis me ravise. Je sais que l’aventure est finie pour moi. Mon (saint) père refait des prouesses pour venir me rechercher et m’amener jusqu’au vélodrome (dans un fauteuil !). Par bonheur, tout les autres finiront sans encombres. Eddy et Bruno resteront ensemble jusqu’au bout, mon frère rejoindra Philippe qui nous avait revu dans l’attente de l’assistance et Laurent, au prix d’un courage énorme (et après une bière au Café de l’Arbre) rejoindra le vélodrome dans une grande émotion que chacun aura de toute façon ressentie.
La douche (chaude, presque brûlante depuis peu), la photo souvenir, le Pavé, le récit, la joie (et la tristesse), la rigolade et l’amitié participerons à la suite de la soirée et à la construction de notre souvenir commun, la plus belle chose au-delà de notre fierté d’avoir accompli un parcours de légende.
Merci Papa pour ton dévouement et ta gentillesse
Merci Philippe de m’avoir accompagné une dernière fois (peut-être ?)
Merci Frère d’être si proche de moi
Merci Eddy pour ton état d’esprit et ton altruisme
Merci Laurent d’être si enthousiaste dans la difficulté
Merci Bruno de nous suivre dans nos folies

A dans 2 ans, car pour moi, une chose est sûre, je ne resterai pas sur un échec !

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Page mise à jour le 02/07/2006 22:17